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second entretien avec simon roussin

le bandit au colt d’or

Peux-tu nous présenter Le Bandit au Colt d’or?

Je voulais depuis longtemps dessiner un western, mais j’avais un peu peur de m’y frotter car cela a tellement été fait en bande dessinée que je m’étais toujours dit
que je ne le ferais pas, du moins pas tout de suite.
Le livre illustré m’a permis de me débloquer car ce genre a été moins exploité dans le livre pour enfant, du moins je n’ai pas le souvenir d’avoir lu des westerns pour enfants.

Au départ je voulais faire une histoire plus classique, mais au fil de l’écriture j’ai eu aussi envie de parler des westerns que j’aimais, moins manichéens, plus tragiques: les grands sentiments, les grands espaces,
les grands enjeux, la violence. J'ai rassemblé dans
Le Bandit au Colt d'or
toute ma fascination pour
la grande aventure et pour ces héros qui évoluent
dans un terrain dangereux, sauvage et fascinant mais
aussi le côté violent, rude, et même lyrique du farwest.

 
Il s’agit d’une histoire sentimentale?

C’est une tragédie familiale. Deux frères sont séparés dans l’enfance par un événement dramatique. L’un va grandir dans le droit chemin et l’autre deviendra le criminel le plus recherché de l’Ouest. Je n’ai pas eu peur d’assumer complètement les codes du western et de rechercher l’essence même de ce que j’aimais dedans, sans chercher à l’actualiser ou à lui donner une résonance contemporaine. Selon moi on place plus d’éléments inconscients tirés de sa vie personnelle dans un récit de genre que dans un récit qui se voudrait ouvertement autobiographique, où tout est sous le contrôle conscient de l’auteur. Le récit de genre est libérateur et je peux y placer tous mes sentiments, toutes mes envies, sans m’y sentir dévoilé.

Au niveau du dessin, à quoi ce livre t’a-t-il confronté?

Ce n’est pas mon premier livre aux feutres mais je ne voulais pas être défini juste par cette technique, et je ne voulais pas refaire ce que j’avais déjà fait avant. Quand l’idée de ce western illustré s’est présentée, j’ai senti l’occasion d’aller plus loin avec cette technique, de faire un récit pictural avec toute l’expressivité possible. Mon envie de dessiner un western venait aussi du désir de dessiner de grands personnages, des scènes pittoresques, des morceaux de bravoure : la fameuse attaque de diligence, la chevauchée dans la neige… C’était un défi très excitant et j’ai le sentiment d’avoir repoussé mes limites avec ce livre.

Quel est ton rapport à la couleur?

Avant, le trait venait toujours avant la couleur. Je pense qu’on peut voir une évolution depuis Robin Hood où le feutre avait plus valeur de remplissage. Dans Le Bandit, le trait arrive parfois en même temps que le feutre ou par dessus, le trait est moins présent. Je recherche une force expressive dans la couleur pour traduire les émotions des personnages et leur état intérieur.

Comment s’est déroulée l’écriture du texte?

C’était plus dur que la bande dessinée. J’étais plus dans la rédaction d’une nouvelle, que les illustrations ne devaient pas paraphraser. J’ai voulu assumer mon lyrisme et mon humour un peu… comment le qualifier… un peu grotesque. Parfois cet humour n’est pas volontaire, même si je sais si ce que j’écris va ou non faire sourire. Ce qui m’intéresse est d’aller tellement loin dans le tragique et dans le sentimentalisme que ça en devienne drôle, je n’essaye pas de créer des gags. C’est ma manière de raconter une histoire sans me prendre au sérieux, ce qui ne veut pas dire que je me moque de l’histoire et des personnages.

On termine sur une certaine amertume, ce refus du happy ending est quelque chose auquel tu tiens?

Ca vient d’un plaisir de spectateur ou de lecteur, c’est vrai que j’aime bien faire mourir mes personnages principaux, même si je sais qu’il faudrait arrêter! Les fins tragiques, les personnages tourmentés, c’est ce que j’aime lire.

Quels sont les westerns qui t’ont le plus marqué?

J’ai vu très tôt des grands classiques comme Le train sifflera trois fois, Rio bravo, Les sept Mercenaires ou L’Homme qui tua Liberty Valence, le préféré de mon père. Celui que j'aime le plus particulièrement est Pat Garrett et Billy le Kid. J’ai aussi des souvenirs d’acteurs comme Kirk Douglas, Steve Mcqueen ou Burt Lancaster. J’ai toujours eu une affection particulière pour ce genre, que ce soit au cinéma, dans la bande dessinée ou même dans mes jeux d’enfant. Au lycée j’ai commencé à m’intéresser au cinéma américain des années 60 et suis devenu un fan absolu de Clint Eastwood, ce qui m’a mené à découvrir ses propres réalisations ainsi que les westerns de Sergio Leone. J’ai toujours eu une préférence pour les westerns un peu complexes avec des personnages torturés comme chez Sam Peckinpah ou Arthur Penn, moins manichéens que ceux de l’Âge d’or.

Qu’est-ce qui t’attire le plus dans ce genre?

Au départ c’est un intérêt de gamin pour l’aventure, les personnages avec des chapeaux, qui font des duels au pistolet ! Après c’est aussi un plaisir de cinéphile car le western a été un des genres le plus exploré dans le cinéma américain. Je ne saurais pas vraiment expliquer ma passion pour le western mais j’en regarde encore beaucoup aujourd’hui. C’est le récit de genre par excellence.
Mes westerns préférés sont ceux qui se situent aux débuts de la civilisation américaine, et qui dépeignent un temps révolu, avec l’arrivée de la loi et de l’ordre. Les héros sont fatigués et ne trouvent plus leur place dans un monde qui se modernise. Dans cette veine, Jugé hors-la-loi de John Huston est incroyable avec, comme dans Le Bandit au Colt d’or, un épilogue un peu amer. Dans les westerns plus récents j’adore Impitoyable de Clint Eastwood, western crépusculaire par excellence qui prend le genre à rebrousse poil. J’aime aussi ceux plus flamboyants comme Butch Cassidy et le Kid. Dynamitage des codes, on fait ce qu’on veut avec le western, on s’amuse!


Propos recueillis par
JM


01/2013

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